Saint-Pol Roux : Aux Péris en mer

Péris sublimes, si profonds, devenus rythmes de la mer, oh ! n’est-ce pas que ma neuve synthèse couve une Beauté non plus de marbre mais de chair, les artères servant de racines aux traits de la forme, Beauté non plus d’un seul ni close mais extensible et de plusieurs, non plus d’exception divine mais de régie humaine, innombrable comme l’Océan et personnage comme lui ?
Ce Verbe total et vivant qui vous pénètre à travers lames et vents, sonore hommage à votre ample silence, n’est-il pas l’avènement des âmes décousant nos lèvres d’un coup d’aile ? n’est-il pas l’enthousiasme organique des mots, fourmis d’encre imprégnées enfin des sept couleurs ? oh ! n’est-il pas l’ascension des langages du sol vers les buissons ardents où le Peuple en triomphe exprime l’azur ?
Les voix actives de ces êtres unis pour vous offrir un bouquet de paroles, ne sont-ce pas des étoiles de plus au firmament suave du lyrisme, étoiles se nouant aux étoiles d’hier pour à la longue devenir à elles toutes un Soleil, de même que les coeurs des hommes, se fondant ensemble à force de s’aimer, formeraient l’évidente statue de la Divinité ?
Au malingre roseau du scribe solitaire a succédé le multiple tuyau de l’orgue universel. Les souffles en faisceau déjà gonflent la masse clamant sa fanfare d’instruments humains, comme vous dans la mer, ô Péris, chacun de nous figure une onde au pays de la vie, et le peuple à côté du poète a désormais le droit de signer les chefs-d’oeuvre indivis, — car la Beauté c’est tout le monde !
Juin 1927. Glorifications (1914-1930)

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